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Historique 1- La génèse de la GT4 :

L’histoire des Ferrari de route à moteur 8 cylindres en V transversal débute avec la « Dino 308 GT4 », et celle-ci est l’un des jalons les plus intéressants de la longue histoire de la marque. Visuellement, cette voiture est un tournant par sa forme « en coin », très à la mode dans les années 1970, même si l’on ne sait pas pourquoi Enzo Ferrari a décidé de confier le dessin de la 308GT4 à Bertone plutôt qu’à Pininfarina, ce qui s’est traduit par une auto très différente de la famille des dessins Pininfarina. Certaines sources indiquent que Pininfarina aurait été consulté, mais se serait récusé, estimant le cahier des charges trop difficile à satisfaire.

Deux autres décisions importantes ont été prises lors de la période de création de la voiture, la première de ne pas poursuivre le développement du moteur V6 de la « Dino 246 », mais d’investir dans un tout nouveau V8 ; la seconde, de construire un voiture avec quatre places (plus exactement, une « 2+2 ») et de ne pas donner de successeur direct à la « Dino 246 », autrement dit, d’abandonner la « Berlinette » à deux places.

Le choix du V8 semble, pour autant que l’on puisse l’affirmer, avoir été dicté d’abord par l’arrivée de nouvelles normes anti-pollution aux Etats-Unis, à commencer par la Californie, prévues pour 1975, et qui ont conduit à privilégier un nouveau moteur, pour obtenir la marge de puissance et de couple nécessaires à l’adaptation des futurs dispositifs anti-pollution, plutôt qu’à augmenter la cylindrée du V6 : le V8 semblait offrir plus de potentiel pour absorber l’effet des dispositifs anti-pollution. L’augmentation de cylindrée était une évolution habituelle chez Ferrari à cette époque, une société avec une production très faible (environ 1.000 voitures par an) et ne disposant pas des moyens d’investir dans la fonderie d’un moteur intégralement nouveau à chaque renouvellement de modèle. On retrouve aussi l’effet de ces contraintes de financement dans la réalisation du V8, d’ailleurs : certes, il s’agit de la fonderie d’un tout nouveau bloc et de nouvelles culasses, mais les pistons, les chemises, les bielles, sont les même que ceux des V12 (limités à 8): la cylindrée individuelle de chaque cylindre est identique à celle du V12, c’est-à-dire 365cm3, ce qui explique que la cylindrée exacte du V8 n’est pas la plus proche possible de 3.000 (par exemple, le V8 DFV Ford-Cosworth développe 2993 cm3) mais de 2.926cm3. On se prive donc de 60 cm3 supplémentaires, pour gagner en simplification sur le circuit d’approvisionnement des pièces. Le V8 n’était naturellement pas une architecture nouvelle pour Ferrari, qui avait déjà produit des V8 pour la course, le célèbre « 158 » de 1.500cm3 champion du monde en F1 en 1964, mais aussi le V8 2,8 de 1967. Et le bloc moteur du V8, qui apparaîtra sur la 308 GT4, restera la base du développement des V8 jusqu’à la 360…

Le choix d’une configuration à quatre places, ou plus exactement « 2 + 2 », serait dû à Fiat, qui souhaitait consolider le succès réel remporté avec la « Dino 206/246 » dans l’élargissement de la gamme « par le bas », et venir cette fois-ci concurrencer plus directement la Porsche 911. Dans la construction de la voiture aussi, on retrouve l’application du principe d’évolution permanente cher à Ferrari, puisque le châssis de la 308GT4 est une évolution très directe de celui de la « Dino 246 ». Il devrait d’ailleurs être qualifié de « châssis en échelle » plus que de « châssis tubulaire », car en dehors des quatre piliers de tubes des quatre suspensions, il s’agit essentiellement d’une « échelle posée à plat », avec des extensions pour porter les cloisons, non pas d’un châssis tubulaire véritable (à l’image de celui de la Lamborghini « Countach » par exemple, qui mérite ce qualificatif). Il faut relever que ce choix d’une « 2+2 » n’a pas été arrêté dès le départ, car il existe des études dans les cartons de Maranello, réalisées vers 1971, pour une « Berlinette deux places » à moteur V8 ; et Leonardo Fioravanti le confirme dans son autobiographie (cf supra). L’importance que prenait la « Dino 308GT4 » pour l’avenir de Ferrari au moment de sa mise sur le marché ne doit surtout pas être négligée : lorsque cette voiture est apparue fin 1973, elle était devenue absolument cruciale. Ferrari réalisait environ 30% de ses ventes aux Etats-Unis, son principal marché ; or il était très clair pour les ingénieurs et les responsables marketing de la marque que la « Dino 308GT4 » serait la seule Ferrari de la gamme qui pourrait satisfaire les nouvelles normes anti-pollution annoncées, et être certifiée par les autorités fédérales américaines, lui permettant d’être vendue dans les 51 états sans avoir à passer par une certification individuelle dans chacun de ceux-ci. Les voitures à moteurs V12 à carburateurs ne pouvaient pas espérer une certification fédérale, car ne satisfaisant pas les nouvelles normes anti-pollution, sans qu’il y ait de perspectives d’y parvenir un jour, sauf à envisager des modifications importantes comme l’adoption de l’injection et des pots catalytiques. Autrement dit, Ferrari avait absolument besoin du marché américain qui représentait son premier marché, et la seule voiture qui pouvait y réussir était la « Dino 308GT4 ».

Mais les premières ventes furent assez décevantes, pour des raisons un peu plus complexes que l’explication que l’on trouve souvent, qui est que « la 308 GT4 est une voiture longtemps mal-aimée ». C’est un peu rapide, et pour tout dire sous certains aspects, simplement faux : essayant la « 308GT4 » pour la première fois à l’occasion de sa mise sur le marché, José Rosinski, dans « Sport-Auto », alors le magazine de référence français était très élogieux et concluait par ces lignes « c’est la meilleure Ferrari qu’il nous ait été donné d’essayer à ce jour ». Un facteur externe a pu avoir une certaine importance, c’est la « première crise du pétrole », après la guerre du Kippour (Octobre 1973) : l’embargo sur les livraisons de pétrole décidé par les pays arabes a bousculé les économies occidentales et conduit, dans certains pays, à une réticence à l’égard des automobiles sportives (on se souvient qu’en France, le gouvernement Messmer avait décidé l’interdiction du sport automobile après octobre 1973, décision qui fut reportée après quelques mois). Plusieurs éléments peuvent expliquer le peu d’enthousiasme des clients aux Etats-Unis à l’apparition de la voiture. En premier sans doute, la décision de continuer à vendre la voiture sous une marque différente que « Ferrari ». Enzo Ferrari avait toujours considéré « qu’une Ferrari devait avoir un moteur 12 cylindres », et donc qu’une voiture qui n’aurait pas un moteur à douze cylindres ne méritait pas de recevoir le badge « Ferrari », ce qui explique la création d’une marque spécifique, « Dino », pour les « petites Ferrari ». Lorsque le système international de numérotation des véhicules à 17 positions a été introduit en 1980, les trois premiers caractères d’indentification « ZFF » ont été attribués à Ferrari Maranello, et « ZDF » aux « Dinos » (la dernière quinzaine de 308GT4 en conduite à droite l’ont effectivement reçu frappé sur la barre de châssis) ce qui montre que, d’un point de vue légal au moins, une « Dino » n’est pas née « Ferrari ». De même, les « Dinos » ont été numérotées dans une série à part, avec des numéros de châssis pairs, contrairement aux Ferrari qui ont des numéros de châssis impair. Les clients potentiels n’étaient pas enthousiastes à l’idée de signer un chèque d’un montant conséquent pour une voiture qui ne s’appellerait pas « Ferrari » ; cela aurait pu aussi être le cas pour la « Dino 246 », mais celle-ci était une voiture sans réelle concurrence avec une configuration de stricte 2 places.

2- La 308 GTB :

Ferrari, et son actionnaire Fiat, comprirent très vite, dans le courant de l'année 1974, que les ventes de la 308 GT4 n’atteindraient pas les objectifs espérés ; plusieurs centaines de voitures neuves restaient invendues en attendant preneur. Cela signifiait et que la survie de la société à moyen terme s’en trouvait menacée. Plusieurs décisions furent prises, certaines avec des effets à court terme, une autre qui allait être capitale à moyen terme. « Capitale » n’est pas exagéré : sans celle-ci, Ferrari n’aurait pas survécu. A court terme, ce fut d’essayer de soutenir au mieux les ventes de la 308GT4, d’où l’apparition de badges supplémentaires « Ferrari » sur les GT4. A moyen terme, ce fut la décision d’Enzo Ferrari de faire volte-face et de donner finalement un successeur à la Dino 246 sous la forme d’un coupé strictement deux places, mais à moteur V8. Développée dans un laps de temps très bref, la 308 GTB fut présentée au salon de Paris en septembre 1975 ; elle y suscita un enthousiasme unanime, et lorsqu’elle devint disponible aussi en version découvrable fin 1977, elle devait conquérir très facilement le marché américain, garantissant ainsi la survie de la marque parce qu’elle était parfaitement adaptée à la clientèle visée. Indépendamment de ses nombreuses qualités, la 308 GTB/GTS est bien l’une des voitures les plus importantes de l’histoire de Ferrari : la preuve en est que, sur les 3200 308 GTS à carburateurs fabriquées, les deux-tiers partirent aux Etats-Unis et sauvèrent la marque.

Leonardo Fioravanti, qui a dessiné la 308 GTB pour Pininfarina, était le père de la Dino 246 (et de la 365 « Daytona ») ; dans ses mémoires, « Il cavallino nel cuore » il se souvient qu’il avait déjà commencé à travailler sur le dessin d’une Berlinette deux places pour succéder à la « Dino 246 » en 1969, en partant de ses travaux pour la P6, mais qu’il avait dû suspendre ce travail sur une future « Berlinette » lorsque l’usine avait concentré ses forces de développement sur la « SuperBerlinetta », celle qui devait devenir la 365 GT4 BB (plus tard 512 BB). Il explique ensuite que lorsqu’il fut informé que Ferrari décida de finalement donner un vrai successeur à la « Dino 246 » sous la forme d’une « Berlinette 2 Places », et qu’il lui revenait de la dessiner, il est parti de ses premiers travaux de 1969-1970, qu’il a développés après les heures de travail chez lui à son domicile, car il n’avait pas d’autre disponibilité. Le développement du dessin de la 308 GTB s’est donc effectué plus ou moins conjointement avec celui de la « BB », ce qui explique l’inspiration mutuelle qui existe entre les deux voitures. Le délai de développement fixé par Enzo Ferrari étant très court, des expédients ont été utilisés: le châssis de la 308GTB n’est rien d’autre qu’un châssis de 308GT4 raccourci.

Quelques aspects moins connus de la mise au point de l’auto peuvent être rappelés : - L’un est que Niki Lauda, alors leader de la Scuderia en Formule 1, a effectivement participé à celle-ci ; il a eu tendance, dans les années qui ont suivi, à minimiser son rôle, mais il expliquait en 1975 dans un magazine allemand que : « la 308 GTB était à l’origine, comme prototype, une voiture très nerveuse et difficile à conduire : elle survirait très facilement ; mon idée d’une voiture convenant à une clientèle assez diverse était qu’elle devait pouvoir être conduite par des gens aux capacités différentes, et c’est pourquoi nous avons travaillé les suspensions jusqu’à obtenir une voiture qui, lorsque la limite était dépassée, soit gentiment sous-vireuse, ce qui est plus sécurisant ; bien sûr, il reste possible de faire survirer facilement la 308 GTB, mais il faut le lui demander ».

- Les deux ou trois prototypes photographiés au cours des essais de développement sont encore badgés « Dino »… Il faut bien sûr évoquer la célèbre question de l’utilisation de la fibre de verre pour réaliser la carrosserie de la 308 GTB ; les explications à sujet sont toujours aussi polarisées qu’elles l’étaient voici quarante ans. L’une de celles le plus souvent avancée est celle des délais : lorsqu’Enzo Ferrai a appelé Fioravanti pour lui dire qu’il lui fallait une Berlinette deux places pour succéder à la « Dino 246 », il était pressé par le temps et lui aurait dit : il faut absolument que la voiture soit prête pour entrer en production à l’automne de 1975, fais-ce qu’il faut pour y arriver, même si cela implique d’utiliser la fibre de verre pour la carrosserie. Cette explication est corroborée par de nombreuses personnes proches des personnels de l’usine, qui considèrent qu’il avait toujours été prévu que la production passerait à la carrosserie acier dès que possible, et notamment lors de l’arrivée de la version découvrable qui ne pouvait pas être réalisée en fibre de verre. Mais Leonardo Fioravanti, lui, dit au contraire que la fibre de verre avait été essentiellement choisie en raison de sa légèreté, et parce que Giuseppe Dondo venait juste d’approuver son utilisation pour les Ferrari de production ; selon Leonardo Fioravanti, l’utilisation de la fibre de verre a en réalité retardé l’arrivée sur le marché des premières voitures de production, en raison de la difficulté de réaliser le matériau dans la qualité voulue (la fibre de verre sur les 308 GTB « vetroresina » est en effet plutôt épaisse).

Quoiqu’il en soit, ces voitures sont aujourd’hui « une petite légende à part » dans la longue histoire de Ferrari, et pour plusieurs raisons. D’abord parce que des chiffres fantaisistes ont circulé sur le gain de poids que permettait la fibre de verre, chiffres que l’usine a longtemps préféré laisser enveloppés d’un voile de mystère qui prêtait à ce matériau des caractéristiques fantastiques. Grâce au « progrès de l’Internet », ces chiffres circulent encore aujourd’hui. L’usine a fait certifier la voiture au poids de 1240 kilogrammes auprès du département des transports italiens, qui est peu ou prou le poids que l’on obtient en mettant une 308 GTB « Vetroresina » sur une bascule : comme une 308 GTB acier pèse aux alentours de 1260 kilos dans les mêmes conditions (il est toujours difficile de s’assurer des quantités exactes de fluide à bord, la présence ou l’absence de certaines options comme la climatisation, etc…), le gain de poids réel des voitures « en fibre de verre résinée » par rapport à la version acier comparable est d'environ 30 kilos. De plus, l’usine a imprimé des documents qui indiquaient 1150 kilos, sans donner les conditions exactes de la pesée, et certains articles de presse parlent même de 1090 kilos, ce qui ferait 170 kilos de moins qu'une GTB acier (rappelons que la tôle automobile de 0,7 mm d’épaisseur habituellement utilisée en carrosserie pèse 7 kilos au m²…). De même, une confusion a existé pendant un certain temps sur le nombre de voitures effectivement produites avant le passage à la carrosserie acier ; l’usine a toujours communiqué le chiffre de « 808 » « Vetroresina » produites, mais d’autres chiffres ont circulé, notamment celui de 712, parce qu’un spécialiste reconnu de Ferrari, Gerald Roush, avait indiqué dans un article publié dans les années 1980 que le chiffre de l’usine était sans doute faux, et réalisé lui-même son décompte ; lequel s’est avéré erroné par la suite, car il avait confondu les 154 voitures produites pour le Royaume-Uni avec la production totale de voitures à conduite à droite, oubliant ainsi les voitures produites pour l’Australie, notamment. La science du recoupement des chiffres de production des Ferrari est une science difficile et complexe ; le nombre total de « Vetroresinas » produite par l’usine ne sera sans doute jamais confirmé avec certitude, mais il est probablement proche des « 808 » annoncés par l’usine. C’est aussi ce doute sur le nombre de « Vetroresina » produite, et la différence entre 808 et 712 (soit 96) qui explique que, pour le nombre de 308 GTB produites au total, on trouve le chiffre de 2897 (712 « Vetroresina » et 2185 « acier ») ou de 2993 (808 + 2185). L’auteur de ces lignes ne peut rien affirmer, mais il ne serait pas surpris d’apprendre qu’il est « proche de 2993 »…

La mise en production de la 308 GTB illustre, s’il en était besoin, la complexité de produire en très petite série des voitures destinées à des marchés différents. Plusieurs modèles « standard » doivent en effet être produits simultanément: - un modèle que l’on peut qualifier de « continental européen » (destiné aux marchés italiens, français, allemand, belges, néerlandais, etc) fabriqué, pour les « vetroresina », environ 510 exemplaires au total, conduite à gauche, moteur à carter sec. - un modèle spécifique au marché américain : moteur à carter humide en raison des normes anti-pollution, échappement à quatre sorties, 100 voitures. - un modèle « Royaume-Uni », qui est l’équivalent du modèle continental européen (moteur à carter sec), mais à conduite à droite, environs 147 voitures. - un modèle spécifique au marché australien : moteur à carter humide, mais conduite à droite... les deux modèles à conduite à droite représentant « au moins 198 voitures » sûres (510 + 100 + 198 donnent… 808). Rappelons aussi que toutes les pièces ne sont pas produites par Ferrari, qui réalise la fonderie des moteurs et l’assemblage des voitures. Mais les châssis sont fabriqués par un prestataire extérieur (Vaccari et Bosi) et les pièces de carrosseries embouties par Scaglietti, qui a été racheté par Ferrari.

L’argent restait une donnée cruciale dans les années 1970 pour Ferrari, qui était encore une entreprise plutôt artisanale (les volumes de production restaient très faibles: 2 000 voitures par an seulement en 1979, tous modèles confondus) et n’avait pas les moyens de faire toujours réaliser des pièces spécifiques: elle adaptait des pièces provenant de la banque de données FIAT et Alfa-Roméo, les volumes restant trop faibles pour justifier une production spécifique. De la même façon, lorsqu’apparaissait une modification de détail, l’ancienne pièce ne disparaissait pas d’un coup, les stocks étaient souvent utilisés jusqu’à épuisement, ce qui explique la cohabitation d’une ancienne et d’une nouvelle version pendant quelque temps. Il n’est pas inutile de rappeler ici que, contrairement à une légende volontiers répandue par ceux qui se montrent volontiers un peu méprisants à l’égard de la « petite Ferrari », ces voitures n’ont jamais été fabriquées « à la chaîne comme des FIAT ». Elles sont certes assemblées sur une chaîne de production, mais à un rythme relativement lent (environ 3 à 4 voitures par jour les premières années) et les panneaux de carrosserie continuent d’être ajustés à la main, les joints entre ceux-ci réalisés au plomb comme dans la plus pure tradition artisanale. On est donc encore loin de la standardisation de la grande série, où les pièces sont totalement interchangeables, que Ferrari commencer à approcher seulement avec la 328 ; les premières machines-outils commandées par ordinateur seront mises en service en 1983.

N’oublions pas enfin que la 308GT4 reste produite en parallèle, elle aussi en différentes versions pour les différents marchés de destination, ce qui rajoute à la complexité des assemblages. Cette complexité s’accroît encore en 1977 pour la 308 GTB, avec le passage de la carrosserie en fibre de verre à la carrosserie acier (pendant une très brève période, les dernières « vetroresina » sont alors produites en même temps que les premières « acier » Euro sans pour autant avoir été proposé conjointement à la commande) et l’apparition des premiers dispositifs « anti-émission » sur les voitures à destination des Etats-Unis, qui reçoivent des pots catalytiques, des tubes de dilution des gaz sur les échappements, une nouveau capot moteur avec des grilles d’aération plus nombreuses, des arbres à cames différents.

3- L'introduction de la version GTS :

En fin d’année 1977, c’est la version découvrable GTS, le spider, qui rejoint la GTB sur la chaîne de production et qui, elle aussi, va être produite en plusieurs versions différentes selon le marché de destination, avec la particularité que toutes les GTS seront standardisées sur un moteur à carter humide (autrement dit : il n’existe pas de GTS sortie d’usine avec un moteur à carter sec) et que toutes les GTS américaines sont catalysées dès l’origine. Cette voiture est cruciale pour le marché américain où l’on adore les voitures découvrables, et de fait les 4/5è de la production des premiers mois de la GTS est à destination des Etats-Unis.

La 308 GTB/GTS a donc très vite trouvé son marché, et c’est un succès indéniable. Le nombre relativement élevé de versions produites pour des marchés spécifiques explique l’abandon du principe des « matching numbers », qui était en vigueur pour les Ferrari à moteur V12 dans les années 50 et 60 : le châssis, le moteur et la boîte de vitesse recevaient à l’origine le même numéro, ce qui permet de vérifier très vite si un moteur ou une boîte de vitesse ont été changés. Cela n’est clairement plus possible pour les 308 où les différentes versions en fonction du marché de destination sont trop nombreuses : dans un châssis destiné à un marché précis sont installés un moteur et une transmission qui correspondent à ce marché, mais sans que les numéros soient identiques entre eux. Toutefois, la fiche de production de la voiture indique bien quels étaient les organes installés à l’origine.

Lorsqu’arrive la fin des années 1970, Ferrari est sur le point de changer de dimension. L’usine a produit 2 000 voitures par an pour la première fois en, elle propose une gamme plutôt large de quatre modèles (une « Berlinetta » deux places à moteur 12 cylindres Boxer, une GT 2+2 à moteur V12, une « Berlinetta » (ou découvrable) deux places à moteur V8 ; une « 2+2 » à moteur V8 (la 308GT4). Sa popularité est aussi sur le point d’exploser : grâce au feuilleton télévisé « Magnum P.I » qui va populariser l’image de la 308 GTS dans le monde entier, Ferrari cesse d’être une marque adulée par les amateurs d’automobile pour entrer dans les années 1980 comme un objet de luxe désirable par une bien plus grande catégorie de gens. Est-ce un bien, est-ce un mal, on peut en débattre, mais le fait est qu’elle quitte son marché de niche pour devenir une star, alors qu’approchent les années 1980 qui vont être celles de l’argent facile. Il reste à Ferrari à négocier un virage difficile, et cela ne va pas se passer sans douleur, c’est celui de l’abandon de l’alimentation par carburateurs.

Ce n’est certes pas de gaité de cœur qu’une société aussi traditionnaliste que Ferrari envisage l’abandon du carburateur, associé à l’âge d’or de l’automobile, mais le renforcement régulier des règlementations anti-pollution aux Etats-Unis, leur prochaine arrivée en Europe, le second choc pétrolier en 1979 rendent l’adoption de l’injection inéluctable. C’est bien entendu une technique d’alimentation que Ferrari utilise en course depuis une quinzaine d’années déjà ; mais pour ses voitures de route, Ferrari va faire appel à un fournisseur éprouvé, et adopter des dispositif d’injection existants : une fois encore, les petites séries produites ne justifient pas que l’usine fasse réaliser un dispositif d’injection spécifique, et c’est le système d’injection Bosch K-Jetronic (une injection mécanique, pas électronique) qui est retenue; elle présente notamment la particularité de se décliner dans une version spécifique pour les véhicules avec pot catalytiques, ce qui convient au modèle destinés au marché américain. Les premières Ferrari équipées de l’injection sont les V-12 (400) ; la 308 suit très peu de temps après : à l’automne 1980 la 308GTB « i »/GTS « i » est présentée à la presse. La nouvelle version à injection se distingue avec le premier renouvellement important du design de l’intérieur, essentiellement de la sellerie, qui est une réussite. L’arrivée progressive d’un nouveau fabricant de peinture (Glasurit) ; l’apparition d’un VIN à la norme internationale à 17 positions... mais c’est évidemment le système d’injection qui concentre l’intérêt et les critiques sont sévères : la perte de puissance est sensible, puisque sur les modèles européens non catalysés la puissance passe de 230/235 cv DIN à « environ 210 cv DIN » (pour 214 annoncés) et moins de 200 pour les modèles américains catalysés et alourdis. Les performances s’en ressentent. Elles le sont encore plus pour la nouvelle « 2+2 » qui remplace la 308GT4, la « Mondial 8 » : équipée du même V8 3 litres à injection, mais plus lourde qu’une 308, les performances de la « Mondial 8 » sont jugées « indignes d’une Ferrari ».

Même si la 308 continue de très bien se vendre, en particulier aux Etats-Unis dans sa version GTS, Ferrari n’est pas dans une position qui lui permettrait de se reposer sur ses lauriers : le prestige du blason et de l’exclusivité est une chose, mais si les performances ne permettent plus à la voiture de se placer au niveau des meilleures, il devient difficile de justifier un prix sensiblement plus élevé que la concurrence. Ferrari n’a pas attendu la critique pour se remettre au travail : la solution privilégiée est de concevoir une culasse à quatre soupapes par cylindre sur laquelle les travaux ont débuté en même temps que les premiers résultats du passage à l’injection étaient connus. Après deux ans de travail, en septembre 1982, une nouvelle version de la 308 est présentée à la presse, c’est la « Quattrovalvole » (= quatre soupapes) qui redresse la barre et revient à des performances plus dignes d’une Ferrari, grâce à une puissance retrouvée, le V8 étant donné pour 240 cv (il en produit autour de 237 DIN). L’auto se distingue assez peu visuellement de celle qui l’a précédée, si ce n’est par l’apparition d’une rangée supplémentaire de grilles de refroidissement au milieu du capot avant, mais les performances et le brio sont de retour : avec elles la voiture retrouve son rang, le premier, et son succès commercial ne se dément pas. Une amélioration notable dans la production intervient à compter de la fin de l’automne 1983 sur les 512, et du mois de janvier 1984 sur les 308 (sans qu’il soit possible de déterminer une date précise ou un premier châssis concerné) c’est l’adoption d’un dispositif de protection des tôles de carrosserie contre la corrosion, qui est baptisé « Zincrox » et décrit en détail dans la brochure de présentation de la 288 GTO à la presse (ref 306/84) ; il s’agit, selon la description donnée par l’usine, d’une « Electrogalvanisation multi-couches » qui superpose comme éléments protecteurs de l’acier une couche de zinc, recouverte par une couche de chrome, recouverte par une couche d’oxyde de chrome sur la face interne des tôles ( celle qui ne reçoit pas la peinture de carrosserie).

4- L'évolution vers la 328 :

Vers la fin de l’année 1983 la question du renouvellement de la 308 à un horizon d’un an et demi / deux ans commence à se poser. La 308 GTB a été présentée voici déjà huit ans, ce qui est long pour une voiture de sport, et dans un premier temps semble-t-il l’usine souhaite introduire un tout nouveau modèle: il existe quelques dessins publiés de projets réalisés vers 1984 qui le confirment. C’est une nouvelle fois la dimension relativement modeste de Ferrari, ses moyens techniques et humains restreints, et les exigences des investissements financiers qui vont conduire à retenir finalement une solution d’attente.

La « grande Berlinette » à moteur 12 cylindres « Boxer », la 512BB, s’apprête à tirer sa révérence pour être remplacée par une toute nouvelle voiture, la Testarossa, qui doit être présentée au Lido en 1984 ; l’état-major de la marque décide que celle-ci ne peut pas prendre en même temps le risque de se lancer aussi dans la conception d’une toute nouvelle « petite » berlinette à moteur V8. En conséquence, la décision retenue est de remettre les performance de la 308 à niveau par une augmentation de 200cm3 de la cylindrée du V8, de moderniser quelque peu le dessin en adoucissant la « ligne en coin » originelle et de changer le dessin de la sellerie : c’est ainsi que va naître la 328, qui est supposée prolonger le succès de la 308 encore quelques années, le temps de concevoir un successeur d’une autre génération. Notons que c’est avec ce passage 308/328 qu’apparaît une tradition de « remise au goût du jour à mi-vie par une version modifiée » d’un dessin d’une voiture, que Ferrari poursuit encore de nos jours : 348/355; puis 360/430, puis 458/488.

Un des aspects les plus intéressants du développement de la 328 est que le prototype de développement de cette voiture présentait une troisième version de carrosserie, qui n’a jamais atteint le stade de la production, mais qui a été développée pour un prototype de développement, construit certifié et immatriculé: après la version « coupé » et la version découvrable ou « spider », la 328 devait exister à l’origine en version « cabriolet intégral », et le prototype de la 328, le châssis 49543, était dans cette configuration. Il a été testé de façon très soutenue durant la fin de l’année 1984 et le début de 1985, mais si les ingénieurs de Maranello étaient satisfaits des résultats obtenus en termes de rigidité du châssis, ce sont finalement les hommes du marketing qui ont décidé de ne pas le produire, de crainte d’affaiblir le potentiel de vente du cabriolet « Mondial », qui était la seule version de la « Mondial » qui se vendait bien aux Etats-Unis. La 328 apparaît donc sur le marché à l’automne de 1985 ; elle semble visuellement légèrement différente de la 308, mais c’est en réalité une illusion d’optique qui provient des nouveaux pare-chocs plus enveloppants : à cette exception près, toutes les pièces de carrosserie (ailes avant, capots, portes) ont rigoureusement les mêmes dimensions, même si quelques détails diffèrent (clavettes d’ouverture des portes, disparition des grilles de sortie de l’air de refroidissement derrière les phares avant...). Les performances font un bond en avant, certes modeste, mais suffisant pour garantir que la voiture conserve son rang. Si la remise au goût du jour de l’esthétique de la sellerie et de l’intérieur ne motivera que peu de commentaires sur le moment, aujourd’hui avec le recul du temps, elle semble avoir été une erreur et on peut s’interroger sur le bien-fondé de celle-ci. Enfin, le choix délibéré de remettre au goût du jour un modèle existant plutôt que d’investir dans une toute nouvelle voiture produit une voiture certes toujours aussi belle à regarder, mais dont la technologie est à présent devenue rustique : malgré des performances de premier ordre, la méthode de construction avec un châssis en échelle de tubes sur lequel sont fixés des panneaux de carrosserie en acier qui participent à la rigidité de l’ensemble est anachronique ; le châssis lui-même descend directement de celui de la « Dino » de 1969, et sa technologie remonte au début du siècle. Le temps est donc venu pour Ferrari de moderniser la technologie de construction de sa Berlinette et de passer au châssis coque, une transition vers l’inconnu qui ne se fera pas sans douleur avec l’arrivée de la 348 en 1989.

La 328 ne connaîtra qu’une seule évolution importante dans toute sa carrière, c’est l’apparition, à partir du châssis n°76626 fabriqué fin février 1988, d’une nouvelle suspension avant, qui est celle de la « Mondial » (les pièces sont identiques) pour des soucis de commodité dans la gestion des pièces de rechange selon l’usine. Cette suspension comporte des points d’ancrage différents pour s’adapter à l’anti-cabrage et l’anti-plongée, qui nécessitent une certification différente de la voiture : les premières GTB, par exemple, sont certifiées « F106 AB/R », celles avec la suspension modifiée « F106AB/PB ». Les voitures avec la nouvelle suspension se distinguent par leurs roues bombées; elles peuvent recevoir l’ABS, mais en option seulement (autrement dit : toutes les voitures avec les roues bombées n’ont pas l’ABS). La 328 présente plusieurs évolutions intéressantes d’un point de vue industriel : - D’abord, l’intégration des différentes versions est plus poussée et plus réussie que pour la 308, en particulier la version destinée au marché Américain (conduite à gauche) et Australien (conduite à droite) équipée du moteur catalysé (lettre « X » en 4ème position du VIN à 17 chiffres) est plus proche de la version européenne que ne l’était la version correspondante de la 308, le catalysateur est mieux intégré, les différences de poids plus faibles : l’auto semble avoir été conçue dès l’origine pour être adaptée aux dispositifs de contrôle des émissions, qui ne donnent plus l’impression d’avoir été « rajoutés au hasard et après coup ». - Ensuite, elle bénéficie des acquis de la production régulière de la 308 pendant plusieurs années ; elle est certes plus « bourgeoise » et moins vive que les premières 308, mais elle est également devenue très fiable et la plupart des petits soucis que l’on pouvait rencontrer sur une voiture produite en petite série ont disparu ; c’est devenu une voiture versatile, utilisable au quotidien, qui ne chauffe plus dans les embouteillages, et demande peu d’entretien.

Quand elle s’apprête à tirer sa révérence en 1989, comme le rapporte la revue « Cavallino », de nombreux ouvriers de la chaîne de Maranello pensent que « notre vrai bijou, c’est elle ». Nous terminerons en signalant que la dernière année de production de la 328 (septembre 1988 – septembre 1989) coïncide avec l’année qui a suivi la mort d’Enzo Ferrari (août 1988) et qu’une proportion non négligeable des voitures produites durant cette dernière année ont été achetées comme objet de spéculation : il n’est pas rare de voir réapparaître aujourd’hui encore des 328 de cette dernière année de production avec des kilométrages très faibles au compteur.

Toutes les photographies présentes sur cette page sont soumises à la restriction sur les droits d'auteur. Merci à Pierre Coquet, Martyn Goddard et Marcel Massini pour leur contribution photographique.

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